André LAUDE
On ne saurait s’attarder à sa biographie plutôt floue, et pour cause : il a lui-même veillé à masquer les traits de son existence. Un abîme existentiel a été creusé sous l’enfant, et l’homme n’a jamais cessé d’en surplomber le vertige (voir, par exemple l’extraordinaire poème : Ô Mère voici que je viens m’asseoir en silence). Une autre donnée fondamentale chez André Laude (1936-1995) : la permanence de l’esprit de révolte. Et il n’est pas nécessaire de partager les convictions libertaires et tiers mondistes de ce poète né, pour reconnaître authenticité et profondeur à son engagement dans l’ultra-gauche dès les années cinquante – un engagement qui lui valut d’ailleurs, pendant le conflit algérien, d’être interné et de subir dans sa chair les « duretés » que l’on devine. Toutes ces composantes – héritées d’une histoire individuelle ou formées dans le combat collectif – irriguent une poésie dont l’auteur pensait qu’elle doit changer la vie. On commettrait toutefois un lourd contresens à voir dans cet impératif moral, dirigé certes contre la culture établie, une sorte d’«art poétique» réfléchi, ou encore le seul moteur d’une création qui fut tout le contraire d’une stratégie de praxis sociale. La fraîcheur spontanée, une musicalité presque naïve, la mutation quasi-alchimique d’une tourbe de temps en ce Rien qui est unique / sel d’aube sur les lèvres, la vibration d’un lyrisme d’instinct (Je ne t’attends pas / je t’atteins d’un seul coup d’aile), nous paraissent les qualités dominantes de ces poèmes qui n’ont certainement pas épuisé leur pouvoir de fascination. Outre de nombreuses œuvres en prose comme Joyeuse Apocalypse (Stock, 1973), Rue des merguez (Plasma, 1979) ou Liberté couleur d’homme (Encre, 1980), et des poèmes pour les enfants, André Laude a publié les principaux recueils suivants : Couleur végétale (Terre de feu, 1954), Pétales du chant (Cahiers de l’Orphéon, 1956), Entre le vide et l’illumination (NCJ, 1960), Dans ces ruines campe un homme blanc (Guy Chambelland, 1969), Occitanie, premier cahier de revendications (P. J. Oswald, 1972), Testament de Ravachol (Plasma, 1975), Le bleu de la nuit crie au secours (Subervie, 1975), Vers le matin des cerises (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1976), Comme une blessure rapprochée du soleil (La Pensée Sauvage, 1980), Riverains de la douleur (Verdier, 1981), 53 Polonaises (Actes Sud, 1982), Roi nu roi mort (La Table Rase, 1983), Journaux de voyage (Albatroz, 1990), Feux, Cris & Diamants (Albatroz, 1993). André Laude a été présenté et publié en tant que « Porteur de Feu », dans les HSE 23/24, en 2007. En 2008, les Éditions de La Différence ont publié, sous le titre Œuvre poétique, les poésies complètes d'André Laude, avec un avant-dire d'Abdellatif Laâbi et une préface de Yann Orveillon.
Paul FARELLIER
(Revue Les Hommes sans Épaules).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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